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Penser plus consommer mieux !

Les architectes du futur, ils sont encore heureux, plein d'idées d’énergie et de poésie et ça fait du bien !

Ils ont trouvés l'équation on dirait de comment faire du neuf avec du vieux, tout en valorisant le travail manuel et le travail de conception !

A les écouter ce nouveau mode de travail pourrait réduire le chômage et la crise climatique.

A lire et à regarder de toute urgence !

INTRAMUROS

architecture / design / Yann Siliec le 01.07.2015

“L’enthousiasme est une bonne méthode”, préconise la page d’accueil du site Internet de l’agence Encore Heureux. Optimistes mais vigilants, Julien Choppin et Nicola Delon pratiquent depuis dix ans une architecture pensée comme une stratégie de combat, contre la résignation qui menace. Au cœur du sujet brûlant de l’écologie, rencontre avec deux acteurs du monde de demain.

Bosseurs impénitents autant que joueurs inventifs, ouverts aux autres disciplines, spécialistes des installations festives décalées et à peu de frais, les deux fondateurs de l’agence Encore Heureux font aujourd’hui partie des figures tutélaires du mouvement des concepteurs conjuguant architecture et écologie, avec noblesse, sincérité et énergie. Ils n’ont pas 40 ans mais l’avenir de la planète se joue pourtant au bout de leurs mains.

Hyper modestes, hyper sérieux, le pragmatique Nicola Delon et le lunaire Julien Choppin ont fondé en 2004 le collectif d’architectes Encore Heureux. Dans la lignée de leur acolyte de choc Patrick Bouchain (qu’ils n’idolâtrent pas, mais revendiquent comme maître à penser), ces deux aimants contraires se sont fait un nom en gonflant à l’hélium un troupeau de zèbres servant de parasols sur la pelouse du parc André Citroën à Paris, lors du festival “Sous La Plage” en 2004.

“Overshoot”, une balançoire éphémère réalisée dans le cadre de l’événement Design City 2014 à Luxembourg

Avant le projet de salle de concert “Petit Bain” livré en 2011 ou le Musée de l’Urbanisme Social conçu en collaboration avec Vincent Parreira à Suresnes en 2013, le duo a signé une flopée de projets tels que le prototype d’habitat d’urgence nomade “Room-Room” (avec G. studio), le scénario de végétation artificielle posée sur une grille de ventilation du métro “Herbes Folles” ou encore “Dromad Air”, performance réalisée pour la ville de Bruxelles en 2003 où il leur était demandé de travailler sur un linéaire entre deux places. Problématique à laquelle ils ont répondu par une compagnie de transport urbain à dos de dromadaires.

Liés depuis leurs études à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette, non pas tant au nom d’affinités ou de complémentarité mais “d’une envie de travailler différemment”, la paire Choppin-Delon s’est imposée au fil des ans comme une association de bienfaiteurs, qualifiée de maîtres du temps. Animés, habités d’une sensibilité absolue pour les questions d’écologie au sens large, “c’est à dire mentale, sociale, environnementale”, leur obsession récurrente tournant autour de la nécessité de penser plus pour consommer moins a pris tout son essor lors de l’exposition “Matière Grise” qu’ils ont imaginée au Pavillon de l’Arsenal à Paris, à l’automne 2014. Véritable cri de colère contre la quantité astronomique de déchets générés par les chantiers, leur démonstration flamboyante a permis de convaincre les plus réticents que récupération et recyclage pouvaient générer de véritables merveilles.

Réhabilitation du salon Chéret de l’hôtel de ville de Paris en espace de co-working

Entre projets éphémères, nomades et modulaires, le jeune collectif lutte pourtant contre les prises de conscience lentes et les atermoiements d’une société française en retard sur les problématiques écologiques, bercée par des désirs ne prenant que rarement réalité. Lauréat du titanesque projet de village démontable qui devrait accueillir la conférence mondiale sur le climat au Bourget en décembre 2015, Encore Heureux reste aujourd’hui tributaire des enjeux politiques, économiques et sociaux de commanditaires frileux, incapables de trancher entre lobbies, contre-pouvoir et nécessité d’un monde meilleur. Alors que leur nom d’agence résume une façon de garder (sans angélisme ni naïveté) une capacité d’émerveillement dans un monde au plus mal, Nicola Delon et Julien Choppin ont accepté d’évoquer pour Intramuros la philosophie et l’enjeu de leur métier, l’écologie et la mutation même de leur profession.

“Le sujet même nous constitue profondément, de part nos origines rurales. Cette préoccupation – qui est un peu devenue notre signature – est née de la violence du rapport ambigu entre l’architecte et la matière, une réaction à ce qu’on était en train de nous raconter. Personne ne dit jamais que le sable est une ressource épuisable qu’on dilapide dans le béton. Aujourd’hui, le monde assèche des plages entières, que l’on va chercher aux Emirats, en Australie, en Indonésie, pour construire les Palm Islands de Dubaï. En France aussi, nous sommes dans une débauche de moyens délirante. En ce sens, il nous semble encore très difficile de convaincre les gens sur le sujet de l’écologie. L’écart entre la volonté affichée et la réalité est stratosphérique. À une époque d’“Uberisation” de la société, il y a pourtant un écho et une attente qui n’existait pas avant. Pour le meilleur et pour l’instant pour le pire car tout le monde en parle mais personne ne fait rien, ou fait simplement mal. Il faut être lucide par rapport à tout ça. Malgré tout, nous savons tous que nous n’avons pas le choix et qu’il va falloir tout changer. À une petite échelle, les lignes sont en train de bouger. Nous souhaiterions que le secteur public soit résolument moteur sur le sujet, ce qui est loin d’être le cas. Tout un tas de petites structures, d’associations font un travail admirable dans leur coin. Un travail certes de l’ombre, mais essentiel car la prise de conscience est là. Reste à passer à l’action, à réinventer notre rapport au monde."

La “table-hamac” conçue pour l’exposition Salons au Domaine de Chamarande, 2012

“Nous refusons aujourd’hui par principe des gens qui viennent nous voir en nous disant qu’ils n’ont pas d’argent. Il y a de l’argent partout et la France demeure un pays très riche. Il y a une hypocrisie énorme face aux artistes et aux concepteurs. Notre démarche est de remettre le concepteur au centre du dispositif car aucune machine ne peut faire notre travail. Aujourd’hui, nous sommes obligés d’inventer la manière, pour que nous puissions travailler et ouvrir des zones d’expérimentation beaucoup plus larges. Si nous n’expérimentons pas, le système tout entier de la conception va mourir. Nous n’avons aucun soucis en France à financer à coups de milliards d’euros des projets prospectifs comme ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) à Codarache, ce qui n’est pas le cas pour l’architecture qui touche directement à des questions existentielles, où des expérimentations devraient être menées à grande échelle sur les questions, parmi tant d’autres, de récupération des eaux de pluie. Il nous faut donc lutter aussi contre cette précarisation de notre métier."

"Nos politiques qui prônent une lutte contre la précarisation de la vie sont les premiers commanditaires de projets non-payés, utilisant pour argument que c’est une chance de travailler pour l’État, pour la ville, sans se soucier de notre statut même d’entrepreneurs. La précarisation de ceux qui conçoivent – au regard de l’enjeu des changements qu’il faut effectuer, du changement de paradigme pour une architecture plus sobre, plus économe, plus juste et plus équilibrée – est l’une des priorités d’aujourd’hui. Entre les désirs et les réalités, les fantasmes gouvernementaux et la gabegie économique qu’ils nous imposent, c’est tout le processus même de la création qui reste à réinventer”.

Interview:

1.

http://www.dailymotion.com/video/x3lt7tl_julien-choppin-et-nicola-delon-encore-heureux_creation

2.

https://www.dailymotion.com/video/x2b5674_materiaux-reemploi-architecture-hd_news

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